Le livre de F. Schleiermacher, La foi chrétienne, occupe 840 p. dans son édition française récente [1]. Il est écrit, pour autant que je puisse en juger, dans un style d’une lourdeur toute post-kantienne, qui n’a rien à envier à cet environnement du premier ou second romantisme philosophique allemand (ni à ses suites). Quand j’ai abordé les premiers paragraphes, la manière, le style – ou l’absence de style, selon l’idée qu’on se fait de ce terme – m’ont paru si indigestes que j’étais convaincu d’abandonner le volume avant le terme de l’introduction. Il est alors d’autant plus remarquable que j’en poursuive la lecture dans une sorte de délectation. J’y suis, bel et bien, je continue, avec un entrain que beaucoup d’autres ouvrages ne savent pas susciter en moi ces temps-ci.
Ce goût a sans doute quelque chose à voir avec ce que Jean-Luc Marion a désigné comme joie de la théologie [2] – idée envers laquelle je me reconnais une dette tenace, malgré tant de barrières qui me tiennent éloigné de son auteur. Je ne voudrais pas la lâcher, cette joie, et j’ambitionne d’en approcher le sens, dans les temps qui viennent – si j’en suis capable. Surtout qu’elle ne s’explique pas de façon aisée, tant est coriace ma réticence envers la plupart des dispositions religieuses – ecclésiales, émotives, et de pensée.
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[1] F. Schleiermacher, [La cohérence de] la foi chrétienne, trad. fr. de Bernard Reymond, Labor et Fides, 2018. 700 p dans l’original allemand, pagination reproduite en marge du volume cité. Les crochets sont ici de mon fait : je ne me résigne pas à cet ajout dans le titre, tant l’original, si je lis bien, fait référence à un cohérence si l’on veut (Zusammenhange), non pas de la foi, mais de son exposé (dargestellt), ce qui est sensiblement différent. Ma remarque n’atténue en rien la gratitude pour l’énorme travail de ce traducteur, là et ailleurs. Mais toute traduction, même celles qui sont comme la sienne éprises de fidélité, mérite d’être discutée, avec respect et attention.
[2] J.-L. Marion, Dieu sans l’être (1982), PUF « Quadrige » 1991-2010, p. 9.