Les notes que je publie sur mon site, par exemple dans le « Journal public », ont une diffusion confidentielle. Elle est, à mes yeux, loin d’être négligeable : en temps ordinaire, quinze à vingt visiteurs par jour, sur divers continents. Je trouve que c’est beaucoup : tous les jours. Mais cela reste confidentiel, par rapport à d’autres moyens de propagation que spontanément on souhaite pour ce qu’on écrit. Et d’ailleurs, je pourrais faire que le cercle s’élargisse : chaque fois que j’annonce une publication en usant des réseaux sociaux, ou de la lettre d’information par courrier électronique, le nombre de visiteurs du site monte en flèche : plusieurs centaines. Or je ne le fais que rarement, et par exemple pas pour les interventions les plus récentes. Pourquoi ? Il faut bien qu’il y ait quelque chose qui me convienne dans cette discrétion. Comme si je m’entretenais, à voix basse, avec quelques auditeurs choisis.

Je pourrais aussi donner à ces vignettes des titres racoleurs, en insistant sur leur croisement avec des thèmes d’actualité. Je fais le contraire : enseignes neutres, peu accrocheuses. Le dernier post parle de l’Église catholique, du nouveau pape et de son prédécesseur. Et du marxisme, et du chemin peu fréquenté qui ces derniers temps mène des uns à l’autre. Mais non, je titre « Deux legs ». C’est plutôt froid. Pourquoi ? Sans doute vois-je aujourd’hui une sorte de contradiction entre le retentissement médiatique, même limité, et l’approfondissement, même urgent. La dégradation de l’esprit public est telle que s’imposent des voies latérales. Il y a ces jours-ci à l’affiche un spectacle dont je suis le metteur en scène, Qu’est-ce que le temps ?, sur un texte d’Augustin d’Hippone (IVe s), que la tradition catholique appelle saint Augustin. Cela se joue dans un petit théâtre, certes très bien situé et dynamique. Et, par son contenu comme aussi ses choix de forme, cette présentation marche en sens inverse des tendances qui prévalent dans la culture, et dans l’actualité. Du texte pur, dans un style haut. Une mise en scène nue (quoique finement travaillée…) Une question abstraite, conceptuelle. Eh bien, il me semble que le point de l’âme où ce spectacle touche nombre de ses spectateurs et spectatrices est infiniment précieux, et important pour aujourd’hui et demain.

C’est pourquoi je préfère murmurer à l’oreille des visiteurs de ce site, même peu nombreux. Je ne sais pas ce que j’en attends, mais cette façon de faire me procure un sentiment de justesse, et une certaine paix.