Le vendredi 27 mai à 16h30, j’interviens en Sorbonne au colloque « Une pensée du corps », organisé dans le cadre des études hispaniques, organisé par Camille Lacau St Guily, René Clémentine Lucien et Maria J. Ortega Manez. (En Salle de Formation de la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne).
J’y présente la conférence de clôture, consacrée au récent spectacle Aux corps prochains – Sur une pensée de Spinoza, créé au Théâtre National de Chaillot et au TNP (Villeurbanne) en mai et juin 2015.
A cette occasion, j’ai traduit deux célèbres poèmes de J. L. Borges, que voici :
Spinoza
(El Otro, el mismo, 1964)
Las traslúcidas manos del judío
Labran en la penumbra los cristales
Y la tarde que muere es miedo y frío.
(Las tardes a las tardes son iguales.)
Las manos y el espacio de jacinto
Que palidece en el confín del Ghetto
Casi no existen para el hombre quieto
Que está soñando un claro laberinto.
No lo turba la fama, ese reflejo
De sueños en el sueño de otro espejo,
Ni el temeroso amor de las doncellas.
Libre de la metáfora y del mito
Labra un arduo cristal: el infinito
Mapa de Aquél que es todas Sus estrellas.
Les mains translucides du juif
Travaillent dans la pénombre les cristaux
Et le soir qui meurt est peur et froid
(Les soirs aux soirs sont pareils.)
Les mains et l’espace de jacinthe
Qui pâlit au confin du ghetto
N’existent presque pas pour l’homme tranquille
Qui rêve un labyrinthe clair.
La gloire ne l’agite pas, ce reflet
De rêves dans le rêve d’un autre miroir
Ni l’amour peureux des jeunes filles
Libre de la métaphore et des mythes
Il travaille un cristal ardu : l’infini
Carte de Celui qui est toutes Ses étoiles.
*
Baruch Spinoza
(La moneda de hierro, 1976)
Bruma de oro, el Occidente alumbra
La ventana. El asiduo manuscrito
Aguarda, ya cargado de infinito.
Alguien construye a Dios en la penumbra
Un hombre engendra a Dios. Es un judío
De tristes ojos y de piel cetrina;
Lo lleva el tiempo como lleva el río
Una hoja en el agua que declina.
No importa. El hechicero insiste y labra
A Dios con geometría delicada;
Desde su enfermedad, desde su nada,
Sigue erigiendo a Dios con la palabra,
El más pródigo amor le fue otorgado,
El amor que no espera ser amado.
Brume d’or, l’Occident éclaire
La fenêtre. Le manuscrit assidu
Attend, déjà chargé d’infini.
Quelqu’un construit Dieu dans la pénombre
Un homme engendre Dieu. C’est un juif
Aux yeux tristes et à la peau citrine ;
Le temps le mène comme le fleuve mène
Une feuille dans l’eau qui décline.
Peu importe. Le sorcier insiste et travaille
Sur Dieu avec géométrie délicate ;
Depuis sa maladie, depuis son rien ;
Il continue d’ériger Dieu par la parole,
L’amour le plus prodigue lui fut octroyé,
L’amour qui n’attend pas d’être aimé.
Trad. D.G.